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nourrir ; plus jeune que moi, elle me le rendra dans la vieillesse ; c’est une amie, c’est un secours que la main de l’Éternel m’envoie. Par quelles actions de grâces pourrai-je lui peindre toute ma reconnaissance !

C’est moi qui vais m’en charger, putain, dit un homme à voix de stentor, en saisissant la malheureuse Justine au colet et la renversant sur le gazon ; oui, c’est moi qui vais te punir, pour t’apprendre à te mêler de ce qui ne te regarde pas ; et l’inconnu se remparant aussi-tôt de la petite fille, la rentre dans son panier, l’y rattache, et la replonge au milieu des eaux… Le sort que vient d’éprouver cette enfant, tu le mériterais, garce, continue ce sauvage ; et je ne balancerais pas à te le faire ressentir, si je ne m’appercevais à ta tournure, qu’en te réservant à de plus cruels fléaux, tu me procureras peut-être de plus grands plaisirs. Suis-moi, sans dire un mot ; ce poignard que tu vois levé sur ton sein s’y plonge au premier mouvement qui t’échappe.

Nous renonçons à peindre ici la surprise, la frayeur, tous les différens mouvemens qui agitèrent l’ame de Justine. N’osant répondre, elle se lève en tremblant, et suit son bourreau,