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étang. Justine se hâte de briser les liens ; elle fait respirer cette enfant, dont les petites mains timides s’élèvent vers sa bienfaitrice, comme pour la remercier de ses soins, et l’en récompenser par tout ce que la nature permet d’expressions à sa reconnaissance. La sensible Justine embrasse cette charmante infortunée. Pauvre petite, lui dit-elle, tu n’es venue au monde que comme la malheureuse Justine, pour en connaître les douleurs et jamais les plaisirs ! Peut-être la mort eût-elle été un bien pour toi ! je te rends peut-être un mauvais service, en te retirant du sein de l’oubli pour te replacer sur le théâtre du désespoir et des revers ! Eh bien ! je réparerai cette faute en ne t’abandonnant jamais ; nous cueillerons ensemble toutes les épines de la vie ; foulées par toutes deux, elles nous paraîtront peut-être moins aiguës, et, devenues plus fortes par notre union, nous les émousserons avec moins de peine. Bonté du ciel ! je te remercie du présent que tu me fais ; c’est un objet sacré sur lequel ma sensibilité s’exercera sans cesse. Assez heureuse pour lui avoir sauve la vie, je prendrai soin de ses jours, de son éducation, de ses mœurs ; elle ne me quittera plus, je travaillerai pour la