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que deviendra le mode qui doit guider les hommes dans le sentier de cette chimère ? Mettez-vous donc dans l’esprit qu’il n’y a pas plus de vertus que de crimes ; que l’une et l’autre de ces manières d’être ne sont que locales et géographiques ; qu’il n’y a rien de constant sur elles, et qu’il est absurde de se laisser guider par ces abominables illusions. La plus saine morale est celle de nos penchans ; livrons-nous aveuglément à tout ce qu’ils inspirent, et nous ne serons jamais dans l’erreur. Tu crois donc qu’il n’en est aucun de mauvais, dit Jérôme. — Je crois qu’il n’en est aucun qu’on puisse vaincre ; c’est assez vous dire que je les crois tous bons ; car, ou la nature ne saurait ce qu’elle ferait, ou elle n’a placé dans nous que les penchans nécessaires a ses intentions sur nous. Ainsi, poursuivit Jérome, les ames perverses de Tibère et de Néron étaient dans la nature. — Assurément, et leurs crimes ont servi la nature, parce qu’il n’est pas un seul crime qui ne la serve, pas un seul dont elle n’ait besoin : ces systêmes sont si démontrés, dit Clément, que je ne conçois pas comment on y revient encore. Leur dépravation m’amuse, dit Severino, voilà pourquoi j’ai contrarié les pré-orateurs ;