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terrible marque ne paraissait point ; elle imaginait pouvoir la déguiser toujours, et que cet accident ne l’empêcherait pas de gagner sa vie. Pleine d’espoir et de courage, elle poursuivit sa route jusqu’à Sens, où elle se reposa quelques jours. Peut-être aurait-elle trouvé quelque chose dans cette ville ; mais, pénétrée de la nécessité de s’éloigner, elle se remit en marche avec le dessein de chercher fortune en Dauphiné, Elle avait entendu beaucoup parler de ce pays, elle croyait y trouver le bonheur. Nous allons voir de quel genre était celui que le destin lui réservait.

Sur le soir de la première journée, c’est-à-dire à environ six ou sept lieues de Sens, Justine, s’étant écartée du chemin pour satisfaire à quelques besoins de la nature, ne put s’empêcher de s’asseoir un moment au bord d’un vaste étang, dont les entours lui parurent d’une fraîcheur délicieuse. La nuit commençait à étendre ses voiles sur le flambeau de l’univers ; et notre héroïne, sachant qu’il n’y avait qu’une très-légère distance du lieu où elle était à celui où elle devait passer la nuit, ne se pressait pas d’interrompre les réflexions solitaires et douces que lui inspirait le sîte agreste où elle reposait, lors-