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Oh, mon amour ! tu ne crois donc pas à une autre vie ? — Je serais bien honteuse d’adopter de pareilles chimères ; mais trop éclairée sur toutes ces choses, je ne crois pas avoir rien à t’apprendre, et j’imagine que, bien pénétrée des premiers principes de la philosophie, et l’immortalité de l’ame et l’existence de Dieu, sont à tes regards des extravagances sur lesquelles tu ne te donnes pas même la peine de réfléchir. La fausseté de tous ces systêmes démontrée, il en est un que j’élève sur leur ruine, et qui, sans doute, a quelqu’originalité ; je l’appuie sur une infinité d’expériences ; je soutiens que l’horreur que la nature vous inspire pour la mort, n’est le fruit que des craintes absurdes que nous nous formons dès l’enfance sur cet anéantissement total, d’après les idées religieuses dont on a la sottise de nous remplir la tête. Une fois guéris de ces craintes et rassurés sur notre sort, non-seulement nous ne devons plus voir la mort avec répugnance, mais il devient facile de démontrer qu’elle n’est réellement plus qu’une volupté ; tu conviendras d’abord qu’on ne peut s’empêcher d’être certain qu’elle ne soit une des nécessités de la nature qui ne nous a créés que pour cela ;