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Ce que je ferais à votre place, serait donc, de m’amuser complettement de cette jeune fille, de lui ravir son bien, et de la mettre ensuite dans une telle position d’infortune, que vous puissiez, à chaque instant, augmenter votre bonheur des charmes de la voir languir, ce qui, pour la volupté, vaudra mieux que de la tuer : la félicité que je vous conseille, sera infiniment plus vive ; il y aura alors, et le bonheur physique, acquis par la jouissance, et le bonheur intellectuel né de la comparaison de son sort au vôtre ; car le bonheur consiste plus à ces sortes de comparaisons, qu’à des jouissances réelles ; il est mille fois plus doux de se dire, en voyant des malheureux, je ne leur ressemble pas et voilà ce qui me met au-dessus d’eux, que de se dire tout simplement : je jouis, mais je jouis au milieu de gens tout aussi heureux que moi. Ce sont les privations des autres, qui nous font sentir nos jouissances ; au milieu d’êtres qui en auraient d’égales aux nôtres, nous ne serions jamais contens : voilà pourquoi l’on dit, avec beaucoup de raison, que ce n’est jamais qu’au-dessous de soi qu’il faut regarder pour être heureux, jamais au-dessus ; si donc,