Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pose à cette petite jouissance morale : ce n’est pas quand on ne croit à rien ; ce n’est pas quand on déteste la vertu, et qu’on adore le vice ; ce n’est pas quand on aime le crime, par lui-même et par intérêt, que l’on peut être long-tems touché des jouissances vertueuses. Comparez cela maintenant avec les charmes de jouir de vos cinq cents mille francs, et vous verrez ce que vous éprouverez. L’objet, dites-vous, est de n’avoir point de remords. Faites donc, sur-le-champ, et sans balancer, le crime que vous projetez ; car je vous réponds que, si vous ne le faites pas, vous ne vous serez pas plutôt ôté la possibilité de le faire, que vous serez dévorée du regret d’avoir manqué une si belle occasion de posséder cet argent. Le crime n’est pas pour vous ce qu’il est pour les autres. Vous êtes parvenue à y trouver un chatouillement très-vif, il vous cause de la volupté ; ne doutez donc point que cette volupté, dont vous jouirez d’autant mieux ici, qu’il y a plus de freins à rompre, ne contre-balance entièrement la petite peine que tout autre être pourrait trouver à cette action. Ainsi, je vois pour vous, dans le cas du crime fait, d’abord une jouissance à le faire,