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mille sequins, et souvent beaucoup davantage.

Soutenues, aimées, recherchées de tout ce qu’il y avait d’aimables libertins, dans les deux sexes, à Venise, nous menions, sans aucun doute, la vie la plus délicieuse et la plus lucrative, lorsqu’un revers affreux vint troubler notre union… m’enlever, ma chère Durand, et me faire perdre, en un jour, et toutes les sommes que j’avais placées sur Venise, et toutes celles que j’y avais gagnées.

Le sort s’annonçait dans la punition qu’il préparait à la Durand, de la même manière qu’il s’était manifesté pour moi. J’avais été punie, lorsque je fus obligée de quitter Paris, pour n’avoir pas voulu porter le crime à son dernier période. La malheureuse Durand eut la même fortune ; et nous pûmes nous convaincre, l’une et l’autre, par de si cruels exemples, que le plus dangereux de tous les partis, quand on est dans le train du crime, est de revenir à la vertu, ou de manquer de la force nécessaire à franchir les dernières bornes : car ce fut bien plutôt le défaut de courage que la volonté qui man-