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malheureuse fille, — Eh bien ! Effrayée de la prédiction qui lui a été faite, elle vient de se jeter par une fenêtre ; elle est morte, monsieur, elle est morte. Contarini désolé, repasse dans l’appartement de ma compagne, on lui fait voir un cadavre défiguré, de l’âge et de la tournure de sa fille ; le benêt croit tout. Un moment, il veut employer la menace, mais bientôt contenu par la crainte d’une récrimination trop juste, dont il sait que nous pouvons légitimement nous armer, il se tait, sort en larmes, comme un imbécille, et nous laisse sa chère et adorable fille, qui, promptement séduite par nous, devint bientôt une de nos meilleures putains. À quelque tems de là, un noble Vénitien, de la première classe, vint nous acheter du poison pour une femme qu’il avait adorée, et dont il était devenu l’époux depuis deux ans ; le malheureux se croyait trompé ; il ne l’était pas : sa femme était un modèle de sagesse et de retenue ; j’étais la seule cause des soupçons qu’il avait contr’elle ; ils étaient l’ouvrage de ma méchanceté. Cette femme me déplaisait ; je voulais la perdre, j’y réussis. Le scélérat l’empoisonna lui-même, et vous jugez des effets que j’en ressentis.