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cordâmes au prix d’une prostitution qui nous valut beaucoup d’argent. Ce fut la cadette, c’est-à-dire, une des plus belles filles de l’Europe, que je livrai quelque tems après, à l’homme dont la passion mérite un article à part dans cet intéressant recueil des lubricités inhumaines.

Alberti était un grand homme, sec, d’environ cinquante-cinq ans, dont le seul aspect était capable d’effrayer une femme. Je lui fis voir le délicat et bel enfant que je lui destinais ; il m’ordonne de la faire mettre nue, et l’examine ensuite en la palpant brutalement, comme on fait à un cheval dont on veut connaître les défauts : pas une parole, pendant cet examen ; pas un geste qui prouvât la lubricité ; ses yeux s’enflammaient seulement ; il respirait avec difficulté. Est-elle grosse, me demanda-t-il au bout de quelques instans, en portant ses mains sur le ventre, toujours avec la même brutalité ? Je ne le crois pas, répondis-je. — Tant pis ; je vous la payais le double si elle l’eût été : quoiqu’il en soit, que veux-tu de cette bête, tu sais à quoi je la destine ? — Deux mille sequins, dis-je. — Je les donnerais si elle était grosse ; ne l’étant pas, je n’en offre que la