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et n’existait-il pas aussi heureux que vous ? Ne craignez pas que la force soit jamais entamée par la faiblesse ? si celle-ci souffre, c’est une des loix de la nature, il ne vous appartient pas de vous y opposer. — Voilà, dis-je, un systême qui ouvre la porte à toute les horreurs. — Mais elle sont nécessaires les horreurs ; la nature ne vous en convainc-t-elle pas, en faisant naître les poisons les plus dangéreux, aux pieds même des plantes les plus salutaires ? pourquoi blâmez-vous le crime ? ce n’est point parce que vous le croyez mal en lui-même, c’est parce qu’il vous nuit : croyez-vous que celui qu’il sert, s’avise de le blâmer ? eh ! non, non. Si donc le crime fait sur la terre autant d’heureux que de malheureux, la loi qui le réprimera sera-t-elle juste ? Le caractère d’une bonne loi doit être de rendre tout le monde heureux ; celle que vous aurez promulguée contre le crime, n’aura pas ce grand but ; elle n’aura satisfait que la victime du délit, et sans doute elle aura déplu souverainement à l’agent. Le grand malheur des hommes est de ne jamais, en législation, regarder qu’une portion de l’humanité, sans faire la moindre attention à l’autre ; et voilà d’où viennent, tant de bévues.