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même de lui fournir des renseignemens. Je suis la première de ses agentes ; toutes les autres correspondent avec moi, et c’est par mon moyen que s’indiquent les principaux vols. Il n’y a que trois ans que nous nous connaissons ; je ne le sers que depuis cette époque ; mais je puis bien assurer que, dans ce court espace, je lui ai valu plus de dix millions, que je lui ai fait assassiner au moins quatre cents personnes ; et voilà ce qui me tourne la tête. Je décharge trois jours et trois nuits de suite, ma chère amie, lorsque j’ai commis ou fait commettre des crimes de cette espèce : lui-même aime le meurtre au point, qu’à l’exemple de ce fameux voleur de Sibérie, il abandonne, dans ses expéditions, les dépouilles à ses camarades, pour le seul plaisir d’égorger les victimes de sa propre main. C’est, je te le répète, le coquin le plus barbare et le plus cruel qu’il soit possible de trouver au monde ; et ses vices s’arrangent si bien avec ceux de mon caractère, que voilà pourquoi je l’adore. Par une fatalité singulière, et qui prouve que le crime est toujours bien plus heureux que la vertu, pourvu qu’il soit constant, hardi, il y a vingt-cinq ans que mon