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te supplier de tranquilliser ma conscience. Et quels sont, cher amour, m’empressai-je de dire, les vices que tu chéris le plus ? quels sont ceux où tu te livres avec plus de plaisir ? — Le vol. Rien ne m’amuse, comme de dérober le bien des autres ; et quoique j’aie plus de cent mille livres de rente, il n’est pas un seul jour dans ma vie, où je ne vole par goût. Console-toi, cher amour, dis-je, en tendant la main à mon amie, et vois dans celle que tu aimes, une des plus grandes zélatrices de cette passion ; assurément, je puis m’en passer comme toi ; et comme toi j’aime à m’y livrer… Que dis-je ! j’en fais, à ton exemple, un des plus doux amusemens de ma vie. Le vol est d’institution naturelle, ma chère ; non seulement ce n’est point un mal, mais il est constant que c’est même un bien.

Au reste, je vois avec plaisir, ma chère amie, poursuivis-je, en embrassant ma nouvelle amie, que tes principes ne sont pas très-scrupuleux en morale. On ne saurait être plus ferme que moi sur tous ces objets, me répondit l’aimable Vénitienne : entraînée par ma tête, à mille infamies, il n’est rien que je ne me permette, toutes les fois que mes passions parlent… Quoi ! dis-je, jus-