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LA MARQUISE DE GANGE

mais, quand à ce qu’on a vu se réunissent des preuves écrites, et de la force de celles que nous possédons, je crois, madame, que le doute devient impossible. — Mais ces preuves écrites, vous pouvez sûrement les montrer ? — Les copies seules sont en mon pouvoir, les originaux sont dans les mains de mon frère. — Veuillez du moins me montrer ces copies. Et à l’instant l’abbé sortit de sa poche un billet contenant ces mots :

« Demain, veille des Morts, j’irai, suivant mon usage, prier au mausolée du parc ; trouves-y-toi, mon cher comte, et tu deviendras le dieu que j’adorerai, n’en ayant aucun qui me soit plus sacré que toi. Évite les regards du marquis et de l’abbé ; ils ont des yeux de lynx. Je t’embrasse comme je t’aime : c’est, je crois, te donner une suffisante idée de l’ardeur de ce baiser brûlant de tous les feux du plus violent amour. »

Après la lecture de ce billet, l’abbé lut l’acte fait et signé dans le souterrain de Deschamps.

Madame de Châteaublanc n’eut pas plutôt acquis la connaissance de ces pièces qu’elle éprouva un moment de stupéfaction, dont elle eut peine à revenir.

Se remettant néanmoins peu après : — Ces écrits-là, monsieur, dit-elle avec fermeté, peuvent bien, je crois, passer, sous tous les rapports, pour de vrais monuments d’horreur et d’iniquité ; car, ou ils sont de ma fille, et, dans cette hypothèse,