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probations avec une grossièreté que je sens, et dont je ne puis m’empêcher. Que ferez-vous, mon pauvre cousin, loin des hôtels de Chaulnes, de Lamoignon, du Lude, de Villeroi, de Grignan ? comment peut-on quitter un tel quartier ? Pour moi, je renonce quasi à la déesse ; car le moyen d’accommoder ce coin du monde tout écarté avec mon faubourg Saint-Germain[1] ? Au lieu de trouver, comme je faisais, cette jolie madame de Coulanges sous ma main, prendre du café le matin avec elle, y courir après la messe, y revenir le soir comme chez soi ; enfin, mon pauvre cousin, ne m’en parlez point : je suis trop heureuse d’avoir quelques mois pour m’accoutumer à ce bizarre dérangement ; mais n’y avait-il point d’autre maison ? et votre cabinet, où est-il ? y retrouverons-nous tous nos tableaux ? Enfin Dieu l’a voulu ; car le moyen, sans cette pensée, de vouloir s’en taire ? Il faut finir ce chapitre, même cette lettre.

J’ai trouvé Pauline tout aimable, et telle que vous me l’avez dépeinte. Mandez-moi bien de vos nouvelles ; je vous écris en détail, car nous aimons ce style, qui est celui de l’amitié. Je vous envoie cette lettre par M. de Montmort, intendant à Marseille, autrefois M. du Fargis, qui mangeait des tartelettes avec mes enfants ; si vous le connaissez, vous savez que c’est un des plus jolis hommes du monde, le plus honnête, le plus poli, aimant à plaire et à faire plaisir, et d’une manière qui lui est particulière ; en un mot, il en sait assurément plus que les autres sur ce sujet : je vous en ferai demeurer d’accord à Grignan, où je vais vous attendre, mon cher cousin, avec une bonne amitié et une véritable impatience.


307. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À M. DE COULANGES.

À Grignan, le 10 av’ril 1691.

Nous avons reçu une lettre, du 31 mars, de notre cher ambassadeur ; elle est venue en sept jours ; cette diligence est agréable, mais ce qu’il nous mande l’est encore davantage ; on ne peut écrire plus spirituellement. Ma fille prend le soin de lui répondre ; et comme je la prie de lui envoyer le Saint-Esprit en diligence, non-seulement pour faire un pape[2], mais pour finir promptement toutes sortes d’affaires, afin de nous venir voir, elle m’assure qu’elle lui enverra la prise de Nice en cinq jours de tranchée ouverte, par M. de Catinat, et que cette nouvelle fera le même effet pour nos bulles.

  1. Où demeurait madame de la Fayette, qu’elle allait voir souvent.
  2. Alexandre VIII était mort depuis deux mois et quelques jours.