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toujours à vous en les mangeant ; mon fils y marque toujours toutes ses dents, et ce qui me fait plaisir, c’est que j’y marque aussi[1] toutes les miennes nous y mettrons bientôt de petites herbes fines et des violettes ; le soir un potage avec un peu de beurre, à la mode du pays, de bons pruneaux, de bons épinards ; enfin ce n’est pas jeûner, et nous disons avec confusion

Qu’on a de peine à servir sainte Église[2] !

Pour vous, ma chère bonne, j’espère que si vous n’étiez pas en état de faire le carême, vous ne seriez pas assez cruelle pour le faire. Vous avez un côté et des coliques qu’il faudroit ménager : répondez-moi.

Je trouve que vous avez un grand pot-au-feu : M. de Grignan, Monsieur le chevalier, Martillac ; je ne sais point de quel écot est Pauline. Il faut bien qu’elle fasse un peu de pénitence de toute la viande qu’elle a mangée à carême-prenant. Pourquoi, ma bonne, dites-vous du mal[3] de mon café avec du lait ? c’est que vous haïssez le lait ; car sans cela vous trouveriez que c’est la plus jolie chose du monde. J’en prends le dimanche matin par plaisir ; vous croyez en dire du mal[4], en disant que cela est bon pour faire vivoter une pauvre pulmonique vraiment, c’est une grande louange, et s’il fait vivoter une mourante, il fera vivre fort agréablement une personne


    comme si j’étois Bretonne nous faisons des beurrées infinies ; nous pensons, etc. » (Édition de 1754.)

  1. « C’est que j’y marque encore. » (Ibidem.)
  2. C’est, avec une légère variante, le dernier vers de la lxxxvie épigramme de Marot, intitulée D’un gros prieur :

    Qu’on a de maux pour servir sainte Église !

    − Le manuscrit porte « la sainte Église !» » Il a seul ce qui suit ce vers, jusqu’à « Pourquoi, ma bonne. »
  3. « Mais pourquoi dites-vous du mal, etc. » (Édition de 1754.)
  4. « Vous croyez le dénigrer. » (Ibidem.)