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M. de Barrillon est riche, gras, et vieux, à ce qu’il dit, et regarde sans envie la brillante place de M. d’ Avaux. II aime la paix et la tranquillité au milieu de ses amis et de sa famille, dont il est content. Vous dites des merveilles sur Esther il est fort vrai qu’il falloit des personnes innocentes pour chanter les malheurs de Sion ; la Champmêlé vous auroit fait mal au cœur. C’est cette convenance qui charmoit dans cette pièce. Racine aura peine à faire jamais quelque chose d’aussi agréable, car il n’y a plus d’histoire comme celle-là : c’étoit un hasard et un assortiment de toutes choses, qui ne se retrouvera peut-être jamais ; car Judith, Booz et Ruth, et les autres dont je ne me souviens pas, ne sauroient rien faire de si beau. Racine a pourtant bien de l’esprit : il faut espérer. Le marquis de Castries" [1]a fait des merveilles[2]. dans une occasion [3]où le chevalier de Sourdis a été battu.[4] On

  1. 11. Joseph-François de la Croix, marquis de Castries, était fils de René-Gaspard auquel il succéda comme lieutenant général en Languedoc, et d’Elisabeth de Bonzi, sœur du cardinal. Il épousa en 1693 Marie-Elisabeth de Rochechouart Mortemart, fille de Louis-Victor, duc de Vivonne, et d’Antoinette de Mesme, qui mourut en 1718, et se remaria en 1712 à Marie-Françoise, fille de Charles-Eugène, marquis et bientôt après duc de Lévis, morte à trente ans au mois de décembre 1728. Lui-même était mort le 24 juin, à soixante-cinq ans, après avoir été fait chevalier de l’ordre en 1724. Sa mère, dont il est question à la phrase suivante, mourut, à plus de quatre-vingts ans, en 1708. Le marquis de Castries était, d’après Saint-Simon (additions au Jôurnal de Dangeau, tome II, p. 355), « un des plus braves, des plus honnêtes et des plus galants hommes de France, qu’un asthme excessif dès sa jeunesse mit hors d’état d’aller au plus grand par son mérite et sa volonté à la guerre…. Dans un état médiocre et sans nul crédit, il s’acquit les plus honnêtes gens pour amis, la recherche de la meilleure compagnie, et une considération peu commune qui lui a duré jusqu’à sa mort. »
  2. 12. « S'est fort distingué » (Édition de 1754.)
  3. 13. Voyez la lettre du 5 décembre 1688, p. 299, note 16.
  4. 14. M. de Sourdis (qui commandait comme maréchal de camp,