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y a bien de la bonté dans un tel souvenir. Après que les soixante et treize eurent été remplis, le Roi se souvint du chevalier de Sourdis[2] qu’il avoit oublié ; il redemanda la liste, il rassembla le chapitre, et dit qu’il alloit faire une chose contre l’ordre, parce qu’il y auroit cent et un chevaliers ; mais qu’il croyoit qu’on trouveroit comme lui qu’il n’y avoit pas moyen d’oublier M. de Sourdis, et qu’il méritoit bien ce passe-droit : voilà un oubli bien obligeant. Ils furent donc tous nommés hier à Versailles ; la cérémonie se fera le premier jour de l’an : le temps est court ; plusieurs sont dispensés de

  1. Louis XIV, de Reboulet, in-4o, tome I, p. 433 et 461, les Mémoires de Monglas, tome L, p. 468 et 469, et les Mémoires de Mme de Motteville, tome IV, p. 106 et 107.
  2. 16. François d’Escoubleau, dit le chevalier de Sourdis, mort en septembre 1707. Il avait épousé en 1686 Marie-Charlotte de Beziade, fille de Théophile, seigneur d’Avare sur Loire et de Marie des Étangs. Pour faire ce mariage, il avait renoncé à ses bénéfices, Mlle d’Avare étant mourante et désirant qu’il légitimât leur enfant (voyez le Journal de Dangeau, au 19 mars 1680). Saint-Simon (tome III, p. 387 et 388) dit en parlant de son commandement de Guienne « II s’y conduisit avec tant de crapule, et si misérablement d’ailleurs, qu’il ne put y être soutenu davantage. Sourdis, enchanté de sa m.aîtresse à soixante-dix ans, ne put quitter Bordeaux parce qu’elle y vouloit demeurer, et y survécut ainsi à. lui-même. A la fin, la honte de sa vie obligea à l’en faire sortir. Il ne put s’en éloigner et se confina dans une de ses terres en Guïenne. Il mourut en grand affoiblissement d’esprit, et fort vieux, et veuf depuis longues années sans s’être remarié. » Il dit encore dans ses additions au Journal de Dangeau (tome XI, p. 472) « M. de Sourdis étoit Escoubleau, dont il n’y a plus, et la perte en est légère. Celui-ci n’avoit de mérite que la protection ouverte de Louvois, dont il étoit le valet à tout faire. La débauche l'avoit lié intimement à Saint-Pouanges, qui lui a-voit valu cette protection qui lui fit sa fortune. Sa triste aventure de Nuys, à l’ouverture de la guerre de 1688, ne put être palliée par ses protecteurs, qui l’en tirèrent par le commandement de Guienne, où ils le soutinrent, quelque misérablement qu’il s’y conduisît, et où une maîtresse de bas lieu régnoit sous son nom ouvertement avec empire.