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d’équipage il donne aux soldats; il mande au Roi du bien de tous les officiers et le prie de les récompenser ; il dit qu’il donne beaucoup [2], parce qu’il trouve la misère grande. Le Roi fait lire ses lettres publiquement. Monsieur le chevalier triomphe, et dit « Eh bien ! ne vous l’avois-je pas bien dit ? je n’en suis point surpris. » Enfin, ma fille, cette première campagne avec Monseigneur est d’une date bien considérable et d’une grande importance. Ah! je suis assurée que malgré toutes vos peines, vous ne voudriez pas que votre enfant fût auprès de vous. La circonstance d’avoir autour de lui tous les officiers du régiment de son oncle, vous doit être d’une grande consolation. Je parlerois d’ici à demain.

Disons deux mots de votre amitié, ma chère enfant : vous m’aimez trop, j’en suis honteuse, non pas que je ne me sente quelque petit mérite d’un certain côté à votre égard ; mais c’est que pendant le siège de Philisbourg, il ne faut songer qu’à notre enfant[3] Laissez-moi donc là ; vous êtes trop vive, vous êtes trop bonne et trop aimable, j’en suis comblée ; et s’il y avoit un degré au delà de ce que je sens, je ne pourrois pas vous le refuser ; mais, ma chère enfant, quanto ti posso dar, tutto t'ho dato.[4] Écrivez à votre frère : il a fort bien fait, j’ai sa procuration : on l’admirerait, si vous ne gâtiez point le métier ; mais vos sentiments sont d’une perfection qui efface tout ; il n’y a point un autre cœur

  1. au moment où il venait d’être relevé à la tranchée, un coup de mousquet à la tête, pour lequel il fut trépané, et il mourut le 18 octobre 1688, à Spire, des suites de sa blessure, à l’âge de trente-six ans. Il avait épousé l’année précédente, contre le gré de sa famille, Marie, fille de Jean de Coligny Saligny, qui mourut à vingt-six ans, le 17 août 1693.
  2. 10. « II donne beaucoup, dit-il. » (Édition de 1704.)
  3. 11. Dans le texte de 1737 .«  qu’à votre enfant. ».
  4. 12. Tout ce que je te puis donner, je te l'ai donné.