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DE MADAME DE SÉVIGNÉ.

ON n’a plus guère à dire quand on vient après quelqu’un qui a si bien dit; j’ai pourtant à vous redresser sur ce qu’on vous avoit dit que Mme d’Omelas avoit eu, outre la donation, de la vaisselle d’argent, et deux mille pistoles : cela n’est point vrai du tout. Au contraire, il voulut lui donner quelque argent pour s’en retourner : elle s’enfuit si brusquement d’auprès de lui, que comme il étoit assez mal, on crut qu’elle couroit au secours et qu’il expiroit ; mais, dans la vérité, elle fuyoit une sorte de présent qui lui faisoit horreur avec ces circonstances. Je vous ai déjà mandé que cette personne avoit été trouvée aimable dans ce pays-ci : son accent, ses manières, ses naïvetés même, ont été prises en bonne part, et cela confirme puissamment ce que vous dites si bien, que nos yeux ne sont point ceux qu’on devroit avoir, si nous regardions les choses comme des chrétiens mais la mode en est tellement passée, que les plus honnêtes femmes n’en ont pas même conservé les discours.

Adieu, mon cher président : plaignez-moi, ma fille s’en va en Provence ; j’en suis accablée de douleur. Il est si naturel de s’attacher et de s’accoutumer à la société d’une personne aimable, et qu’on aime chèrement, et dont on est aimé, qu’en vérité c’est un martyre que cette séparation. Encore si nous pouvions espérer de nous revoir encore un jour à Grignan, ce seroit une espèce de consolation mais hélas! cet avenir est loin, et l’adieu est tout proche. Nous reverrons donc bientôt ici M. de la Trousse. J’ai dit à Monsieur de Carcassonne la joie que vous avez du bon succès de sa harangue au Roi : il est vrai qu’elle fut belle et bonne comme lui[1]. Vous savez que. M. du

  1. 4. “ Ces jours-ci les députés des états de Languedoc présentèrent au Roi leur cahier ; l’évêque de Carcassonne (Louis-Joseph de Grignan)