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voyage, c’est le plaisir que j’aurai de vous voir et de discourir de mille choses.

Votre nièce a tellement pris à cœur les affaires de ses terres, qu’elle s’en est incommodée elle a une fluxion sur un œil pour avoir trop lu de vieux titres; cela l’empêche de vous témoigner elle-même la part qu’elle prend à votre affliction; mais je vous assure qu’elle y est aussi sensible que moi. Vous avez raison, ma chère cousine, de croire que nous nous aimerons toujours; nous ne saurions mieux faire.

A CORBINELLI.

JE demeure d’accord avec vous, Monsieur, que quelque connoissance qu’on ait de la cour, pour peu qu’on en soit absent, on est désorienté quand on y retourne[1] mais cela n’embarrasse que ceux qui veulent s’y rétablir pour longtemps, car quand on n’y a affaire que pour trois semaines ou un mois, comme moi, on n’en craint pas les fréquents changements au contraire, c’est mon compte; car après que cette cour aura passé par toutes les formes, qu’elle aura été capricieuse, dure, épineuse, ingrate, je trouverai quelques moments où elle sera douce, juste et reconnoissante, et ayant fait mes affaires dans ce temps-là, on ne m’y rattrapera plus. J’ai bien envie de savoir comment le P. la Roche prêche contre les fausses vertus je n’en trouve presque point d’autres dans le monde. La Marquise me prie de vous mander qu’elle n’a point de plus cher ami, ni dont elle fasse plus d’estime que de vous. Pour moi, je crois que vous en êtes assuré je ne sais si j’ai des vertus, mais

  1. 7. « Se dérober à la cour un seul moment, c’est y renoncer le courtisan qui l’a vûe le matin la voit le soir, pour la reconnoitre le lendemain, ou afin que lui-même y soit connu. » (la Bruyère, chapitre de la Cour.)