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M. le cardinal de Bouillon[1] de la petite aumône qui m’est remise tous les ans sur les aumônes du Roi ; c’est peu, mais c’est la vie d’une pauvre personne : je vous dirai où il faudra que cet argent soit envoyé.


1685

958. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CHARLES DE SÉVIGNÉ À MADAME ET À MONSIEUR DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 15e avril.

de madame de sévigné.

Voici la suite de mes sincérités. Vous avez, ma chère enfant, un esprit prophétique qui voit tout, et vous me faites frémir quand vous faites des songes affreux de moi. Vous dites que ma guérison n’est pas véritable, malgré cette journée si triomphante de Vitré, et tout le bon état où je vous ai dit que j’étois ; car je ne vous ai jamais menti : tout cela ne vous persuade point, et je commence, en vérité, à croire que vous avez raison. Il y a quatre jours qu’il prit une fantaisie à ma jambe de s’enfler et de jeter des feux et des sérosités selon qu’il lui plaisoit : je fus surprise, et tout ce qui étoit ici, de cette trahison ; je me mis en repos, je la laissai faire ; il semble que ce soit une crise que la nature ait souhaitée : la jambe a bien coulé, les feux sont amortis, je trouve qu’elle se désenfle, et je suis persuadée que c’est une guérison ; en effet, rien n’étoit capable de guérir ces duretés et ces roideurs de gras de jambe qu’une telle évacuation. J’en ai donc été fort contente, ainsi que de ma médecine. Cependant nous envoyâmes prier les capucins qui sont à

  1. 5. Grand aumônier de France.