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quiéter. M. de Toulongeon[1] est mort en Béarn ; le comte de Gramont a sa lieutenance de Roi, à condition de la rendre dans quelque temps au second fils de M. de Feuquières[2] pour cent mille francs. La reine d’Espagne crie toujours miséricorde, et se jette aux pieds de tout le monde ; je ne sais comme l’orgueil d’Espagne s’accommode de ces désespoirs. Elle arrêta l’autre jour le Roi par delà l’heure de la messe ; il lui dit « Madame, ce seroit une belle chose que la Reine Catholique empêchât le Roi Très-Chrétien d’aller à la messe. » On dit qu’ils seront tous fort aises d’être défaits de cette catholique.

Je[3] vous conjure de faire mille bonnes amitiés pour moi à la belle Rochebonne.

Adieu, ma très-chère et très-aimable : je vous jure que je ne puis envisager en gros le temps de votre absence[4] ; vous m’avez bien fait de petites injustices, et vous en ferez toujours quand vous oublierez comme je suis pour vous ; mais soyez-en mieux persuadée, et je le serai aussi de la bonté et de la tendresse de votre cœur pour moi.

Mme de la Fayette vous embrasse, et vous prie de conserver la nouvelle amitié que vous lui avez promise.

  1. 15. Henri de Gramont, comte de Toulongeon, frère de Philibert, comte de Gramont. (Note de Pétrin.) — Le comte de Toulongeon était, comme nous l’avons dit, lieutenant général de la principauté de Béarn, dont le duc de Gramont était gouverneur ainsi que de la Navarre.
  2. 16. Voyez la lettre du 2 février 1680.
  3. 17, Cette phrase et le commencement de la suivante ne sont pas dans l’édition de 1784, qui reprend à « je vous jure. »
  4. 18. « … le temps de votre absence, et que pour adoucir cette pensée, et surtout pour réparer les petites injustices que vous m’avez faites, j’ai besoin que vous vouliez bien ne jamais oublier comme je suis pour vous et en être mieux persuadée à l’avenir je le serai aussi, etc. » (Édition de 1754.)