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1679 temps si cher ; ma vie passoit trop vite, je ne la sentois pas ; je m’en plaignois tous les jours, ils ne duroient qu’un moment. Je dois à votre absence le plaisir de sentir la durée de ma vie et toute sa longueur. Je ne sais point de nouvelles :

Quiconque ne voit guère,
N’a guère à dire aussi[1].

Le roi d’Angleterre est bien malade[2] ; la reine d’Espagne crie et pleure[3] : c’est l’étoile de ce mois. J’aimerois assez à vous entretenir davantage, mais il est tard, et je vous laisse dans votre repos ; je vous souhaite une très-bonne nuit. Est-il possible que j’ignore ce qui est arrivé de cette barque que j’ai vue avec tant de regret s’éloigner de moi ? Ce n’est pas aussi sans beaucoup de chagrin que je l’ignore. Mais si vous n’avez point écrit, j’ai au moins la consolation de croire que ce n’est pas votre faute, et que j’aurai demain une de vos lettres. Voilà sur quoi tout va rouler, au lieu d’être avec vous tous les jours et tous les soirs.

  1. 2. Voyez la fable des deux Pigeons dans la Fontaine, la deuxième du livre IX, et tome V, p. 552, note 11.
  2. 3. La Gazette (p. 453) dit que le roi d’Angleterre (Charles II) eut vers ce temps-là, à Windsor, quelques accès de fièvre tierce ; dans son numéro du 23 septembre, elle annonce, en date du 15, c’est-à-dire du jour même où Mme de Sévigné écrivait, qu’il a pris du remède du chevalier Talbot, et qu’il est entièrement guéri.
  3. 4. Elle était à la veille de son départ. Le 20 septembre, elle quitta Fontainebleau, où elle se trouvait depuis le 12, et se mit en route pour l’Espagne