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1676 — J’ai vu ici la duchesse de Sault : elle est très-bien faite et d’une taille parfaite ; elle est d’une gaillardise qui fait voir qu’elle a passé sa jeunesse à l’église avec sa mère : ce sont des jeux de mains et des gaietés incroyables ; elle s’en va en Dauphiné[1] ; elle me parle fort de vous. Son mari est triste, mais on croit que c’est d’avoir quitté le service : on dit, et il le voit peut-être, qu’il ne devoit point faire son capital d’être un an plus tôt ou plus tard lieutenant général. Je ne fais qu’effleurer tous ces chapitres et j’étrangle toutes mes pensées, à cause de ma pauvre main. La princesse[2] arrive ici dans deux jours ; elle y recevra votre lettre que j’avois envoyée à Vitré. Ne pensez plus à cette bagatelle ; elle n’est plus en lieu d’y faire des méditations comme aux Rochers ; je comprends vos raisons. Madame l’a mandée avec tendresse, comme sa bonne tante.

Vous n’avez jamais vu une telle folie, j’en ai ri aux larmes. M. de Vendôme dit au Roi, il y a huit jours : « Sire, j’espère qu’après la campagne Votre Majesté me permettra d’aller dans le gouvernement qu’elle m’a fait l’honneur de me donner. — Monsieur, lui dit le Roi, quand vous saurez bien gouverner vos affaires, je vous donnerai le soin des miennes. » Et cela finit tout court, et cela est vrai. Adieu, ma très-chère enfant ; je reprends dix fois la plume ; ne craignez point que je me fasse mal à la main.

  1. L’État de la France de 1676 (tome II, p. 246) nous apprend que le duc de Lesdiguières était gouverneur du Dauphiné, et que le comte de Sault, son fils, avait la survivance.
  2. Dans l’édition de 1734 « La princesse de Tarente. »
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