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1676tend arriver un carrosse, et voit monter dans sa chambre un homme avec un bâton d’exempt : c’étoit le capitaine des gardes de M. de Chaulnes qui le pria, de la part de son mattre, de venir jusqu’à l’évêché : c’est où demeure M. de Chaulnes. M. de Coetquen descend, et voit vingt-quatre gardes autour du carrosse, qui le mènent sans bruit et en fort bon ordre à l’évêché. Il entre dans l’antichambre de M. de Chaulnes, et y demeure un demi-quart d’heure avec des gens qui avoient ordre de l’y arrêter. M. de Chaulnes vient après, et lui dit qu’il l’avoit envoyé querir pour lui dire de songer à faire payer les francs fiefs[1] dans son gouvernement ; et après lui avoir dit qu’il savoit ce qu’il avoit dit au Roi, mais qu’il le falloit prouver, il lui tourna le dos, et s’en retourna dans son cabinet. Le Coetquen demeura fort déconcerté, et s’en retourna enragé se coucher en son hôtellerie[2].

  1. On appelle franc fief un « fief possédé par un roturier, avec concession et dispense du Roi, contre la règle commune, qui ne permet pas aux roturiers de tenir des fiefs. On appelle droit de francs fiefs, taxe des francs fiefs, le droit domanial qui se lève de temps en temps sur les roturiers qui possèdent des terres nobles. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.)
  2. Nous avons suivi le texte de l’édition de 1734, la première qui ait donné cette lettre. L’impression de 1754 offre de notables différences, surtout dans les dernières phrases : « M. de Chaulnes paroît enfin, et lui dit : « Monsieur, je vous ai envoyé querir pour vous ordonner de faire payer les francs fiefs dans votre gouvernement. Je sais, ajouta-t-il, ce que vous avez dit au Roi, mais il le falloit prouver. » Et tout de suite il lui tourna le dos et rentra dans son cabinet. Le Coetquen demeura fort déconcerté, et tout enragé regagna son hôtellerie. »
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