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1675 grand autel, où il est en dépôt[1]. Cette translation a été touchante, et tout étoit en pleurs, et plusieurs crioient sans pouvoir s’en empêcher. Enfin on a été dans cette chapelle ; Mme d’Elbeuf a crié les hauts cris. Il y avoit entre autres un petit page qui devenoit fontaine[2]. Enfin nous sommes revenus dîner tristement chez le cardinal de Bouillon, qui a voulu nous avoir ; il m’a priée par pitié de retourner ce soir, à six heures, le prendre pour le mener à Vincennes, et Mme d’Elbeuf : ils m’ont fort parlé de vous. Le Cardinal dit qu’il vous écrira aujourd’hui ; mais je m’en vais fermer mon paquet avant que de les aller prendre, afin de n’être point en inquiétude de revenir de bonne heure : la lune nous conduira jusqu’où il lui plaira. Peut-être que j’irai demain passer le soir à Livry, pour jouir de cette belle Diane, et dire adieu à l’aimable abbaye. L’abbé y est depuis trois jours ; il ne nous parle plus que de retraite ; c’est la grande mode[3]. Que dites-vous du nom de Monsieur le Prince qui a fait lever le siège d’Haguenau, comme il les fit fuir l’année passée à Oudenarde[4] ? Voilà ce qu’il y a de

  1. « Outre l’autel des Saints-Martyrs…. qui remplit toute l’arcade du milieu du rond-point ou chevet de l’église, jusqu’à la hauteur des galeries, il y a autour du même chevet, au delà des bas côtés, neuf autels dans des chapelles fermées de grilles de fer, et deux autres chapelles plus grandes, savoir celle de Saint-Eustache où est le tombeau du vicomte de Turenne et la chapelle neuve de Saint-Louis, qui sert aujourd’hui de sacristie. » (Histoire de l’abbaye royale de Saint-Denys en France, par dom Félibien, p. 531.)
  2. À devenoit fontaine l’éditeur de la Haye a substitué pleuroit beaucoup. — Mlle de Scudéry a dit dans la Clélie (suite de la IIe partie, tome II, p. 1249, édit. de 1660) : « Si vous en croyez aujourd’hui Artaxandre…. il vous dira qu’il faut s’enterrer dans le tombeau de ceux qu’on aime, ou que du moins il faut se faire fontaine, et pleurer éternellement. »
  3. Depuis la retraite du cardinal de Retz ?
  4. Dans l’édition de 1754 : « Comme il fit fuir les ennemis l’année