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se mit à genoux au milieu de la chambre. On entre, on le trouve en cet état : « Eh mon Dieu ! mon frère, que faites-vous ? et qui vous a accommodé ainsi ? — Mon père, dit-il froidement, c’est que je fais pénitence. » Il tombe évanoui, on le couche, on le panse, on le trouve très-blessé ; on le guérit après trois mois de soins[1], et puis ils l’ont renvoyé à Lyon à ses parents. Si vous ne trouvez pas cette tête-là assez renversée, vous n’avez qu’à le dire, et je vous donnerai celle de Mme Paul[2], qui est devenue éperdue, et s’est amourachée d’un grand benêt de vingt-cinq ou vingt-six ans[3], qu’elle avoit pris pour faire le jardin. Vraiment il a fait un beau ménage. Cette femme l’épouse. Ce garçon est brutal, il est fou ; il la battra bientôt[4] ; il l’a déjà menacée. N’importe, elle en veut passer par là ; je n’ai jamais vu tant de passion : ce sont tous les plus beaux violents sentiments qu’on puisse imaginer ; mais ils sont croqués comme les grosses peintures[5] ; toutes les couleurs y sont, il n’y aura qu’à les étaler. Je me suis extrêmement divertie[6] sur ces caprices de l’amour ; je me suis effrayée moi-même voyant de tels attentats. Quelle insolence ! s’attaquer à Mme Paul, c’est-à-dire à l’austère[7], l’antique et grossière vertu ! Où trouvera-t-on quelque

  1. 2. Dans les éditions de 1726 et de 1734 : « Après bien des soins. » — Les mots à Lyon sont omis dans ces mêmes éditions.
  2. 3. Veuve de maître Paul, jardinier de Livry. (Note de Perrin.) — Voyez la lettre suivante.
  3. 4. « De vingt-cinq ans ou vingt-six ans. » (Édition de 1734.) — Ces mots manquent dans les éditions de 1726.
  4. 5. Dans l’édition de 1754 : « Il la battra comme plâtre ; » et plus loin : « Elle en veut par là (sic) ; » dans l’édition de Rouen (1726) : « Elle en veut. »
  5. 6. Dans les éditions de 1726 : « Comme les peintures grossières. »
  6. 7. Dans les deux éditions de Perrin : « Divertie à méditer sur etc. »
  7. 8. L’édition de la Haye (1726) ajoute : « La farouche. »