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vous. Je crois de votre Provence toutes les merveilles que vous m’en dites ; mais vous savez très-bien les mettre dans leur jour ; et si le beau pays que vous aurez vu pouvoit vous témoigner les obligations qu’il vous a, je suis assurée qu’il n’y manqueroit pas. Je crois qu’il vous diroit aussi l’étonnement où il doit être de votre dégoût pour ses divines senteurs : jamais il n’a vu personne s’en restaurer sur un panier de fumier. Rien n’est plus extraordinaire que l’état où vous avez été ; et cependant, ma bonne, je le comprends, la chose du monde la plus malsaine, c’est de dormir parmi les odeurs. Enfin trop est trop ; les meilleures choses sont dégoûtantes quand elles sont jetées à la tête. Ah ! le beau sujet de faire des réflexions ! Votre oncle de Sévigné[1] craindra bien pour votre salut, jusqu’à ce qu’il ait compris cette vérité. Vous me disiez l’autre jour un mot admirable là-dessus, qu’il n’y avoit point de délices qui ne perdent ce nom, quand l’abondance et la facilité les accompagnent. Je vous avoue que j’ai une extrême envie de faire cette épreuve ; comment ferez-vous pour me faire voir un petit morceau de vos pays enchantés ?

Je comprends la joie que vous aurez eue de voir Mme de Monaco[2], et la sienne aussi. Hélas ! vous aurez bien causé ; elle ouvre assez son cœur sur les chapitres même les plus délicats. Je serois fort aise si vous me mandiez quelque chose des sujets de votre conversation. Notre d’Hacqueville est ravi que vous ayez fait cette jolie course. Il s’en va en Bretagne ; il a vu votre lettre, et Guitaut[3], et M. de la Rochefoucauld. Ils sont tous -contents

  1. Lettre 280 (revue sur une ancienne copie). — 1. Renaud de Sévigné. Voyez la note 10 de la lettre 255.
  2. 2. Voyez la note 15 de la lettre 153.
  3. 3. Dans le manuscrit : « Votre lettre à Guitaut. »