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t’odierò quanto t’amai[1] il prétend que vous l’avez méprisé. M. de Marsillac mande qu’ils sont partis le 10 pour une grande expédition : M. de Turenne a marché le premier avec vingt mille hommes.


1672

275. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CORBINELLI AU COMTE DE BUSSY RABUTIN.

Quinze jours après que j’eus écrit cette lettre (du 1er mai, voyez p. 47), je reçus celle-ci de Mme de Sévigné.
À Paris, ce 16e mai 1672.
de madame de sévigné.

Il faudroit que je fusse bien changée pour ne pas entendre vos turlupinades, et tous les bons endroits de vos lettres. Vous savez bien, Monsieur le Comte, qu’autrefois nous avions le don de nous entendre avant que d’avoir parlé. L’un de nous répondoit fort bien à ce que l’autre avoit envie de dire ; et si nous n’eussions point voulu nous donner le plaisir de prononcer assez facilement des paroles, notre intelligence auroit quasi fait tous les frais de la conversation. Quand on s’est si bien entendu, on ne peut jamais devenir pesants. C’est une jolie chose à mon gré que d’entendre vite : cela fait voir une vivacité qui plaît, et dont l’amour-propre sait un gré nompareil. M. de la Rochefoucauld dit vrai dans ses Maximes :

  1. 14. Je te haïrai autant que je t’aimai. C’est avec le changement d’agiterò en odierò, ce vers des imprécations d’Armide contre Renaud, au XVIe chant (stance 58) de la Jérusalem délivrée :

    Tanto t’agiterò, quanto t’amai.

    Il est revenu, tel que nous le citons, sous la plume de Mme de Sévigné, dans sa lettre au comte de Guitaut du 23 janvier 1682.