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peut en donner dans la vie. Depuis votre dernière lettre, je me renferme à comprendre qu’on vous fait des méchancetés ; je ne puis les deviner, et ne vois point d’où elles peuvent venir. La Marans a d’autres affaires ; vous êtes loin, vous ne l’incommodez sur rien ; sa sorte de malice ne va point à ces choses-là, où il faut du soin et de l’application. Vous devriez bien m’éclaircir là-dessus. Mais, bon Dieu ! que peut-on dire de vous ? Je ne puis en être en peine, étant persuadée, comme je le suis, que ce qui est faux ne dure point. Quand vous voudrez, ma chère enfant, vous m’instruirez mieux que vous n’avez fait.

M. de Turenne est parti de Charleroi avec vingt mille hommes : on ne sait encore quel dessein il a[1]. Mon fils est toujours en Allemagne ; il est vrai que désormais on sera bien triste en apprenant des nouvelles de la guerre. On craint que Ruyter[2], qui, comme vous savez, est le plus grand capitaine de la mer, n’ait combattu et battu le comte d’Estrées dans la Manche[3]. On sait très-peu de nouvelles ici ; on dit que le Roi ne veut pas qu’on en écrive. Il faut espérer au moins qu’il ne nous cachera pas ses victoires.

Je donnai hier à dîner à la Troche, à l’abbé Arnauld[4],

  1. 6. Voyez la fin de la lettre. — La Gazette, sous la rubrique de Charleroi, 9 mai, annonce que le Roi « vient de faire partir l’avant-garde, sous le vicomte de Turenne, au nombre de plus de vingt mille hommes… mais on ne sait point encore à quel dessein, si ce n’est, comme le croient quelques-uns, pour aller couper les passages aux secours de Maestricht. »
  2. 7. Michel-Adriensz de Ruyter, né en 1607 à Flessingue, mortellement blessé devant Catane le 22 avril 1676.
  3. 8. C’était un faux bruit. Un combat avait eu lieu entre une frégate française et un petit bâtiment hollandais, dont la frégate s’était emparée. Les deux flottes anglaise et française firent leur jonction le 16 mai à Portsmouth. — Sur le comte d’Estrées, voyez la note 4 de la lettre 147.
  4. 9. Voyez la note 4 de la lettre 51, et plus loin la lettre 279, note 7.