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point de premier président. Adieu, ma belle petite ; vous êtes par le monde ; vous voyagez ; je crains votre humeur hasardeuse : je ne me fie ni à vous, ni à M. de Grignan. Il est vrai que c’est une chose étrange, comme vous le dites, de se trouver à Aix après avoir fait cent lieues[1], et au Saint-Pilon[2] après avoir grimpé si haut. Il y a quelquefois des endroits dans vos lettres qui sont fort plaisants, mais il vous échappe des périodes comme à Tacite ; j’ai trouvé cette comparaison : il n’y a rien de plus vrai. J’embrasse Grignan et le baise à la joue droite, au-dessous de sa touffe ébouriffée[3].


1672

274. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 13e mai.

Il est vrai, ma fille, que l’extrême beauté de Livry seroit bien capable de donner de la joie à mon pauvre esprit, si je n’étois accablée de la triste vue de ma tante, de la véritable envie que j’ai de partir, et de la langueur de Mme de la Fayette. Après avoir été un mois à la campagne à se reposer, à se purger, à se rafraîchir, elle

  1. 14. Dans les éditions de 1726 : « Deux cents lieues. » Mme de Sévigné a sans doute écrit en chiffres, et son 1 se rapproche beaucoup de la forme de nos 2, bien que ces deux chiffres se distinguent fort bien dans son écriture quand on les compare l’un à l’autre.
  2. 15. Le Saint-Pilon est une chapelle en forme de dôme, bâtie sur la pointe du rocher de la Sainte-Baume. On n’y arrive qu’avec des peines infinies, et par un chemin pratiqué dans la montagne. (Note de Perrin, 1754.) — Le P. Lacordaire, dans sa Sainte Marie-Madeleine, chapitre vii, dit que le Saint-Pilon est un pilier célèbre au sommet duquel on voit la sainte soutenue par des anges.
  3. 16. Allusion à des bouts-rimés faits à Livry par Mme de Grignan. Voyez tome II, p. 332.