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1672


il a si bien mis dans son jour tout ce qui pouvoit être admiré ; il a fait des traits d’éloquence et des coups de maître si à propos et de si bonne grâce, que tout le monde, je dis tout le monde, sans exception, s’en est écrié, et chacun étoit charmé d’une action si parfaite et si achevée. C’est un homme de vingt-huit ans, intime ami de Monsieur de Tulle, qui s’en va avec lui[1]. Nous le voulions nommer le chevalier Mascaron ; mais je crois qu’il surpassera son aîné.

Pour la musique, c’est une chose qu’on ne peut expliquer. Baptiste[2] avoit fait un dernier effort de toute la musique du Roi. Ce beau Miserere y étoit encore augmenté ; il y a eu un Libera où tous les yeux étoient pleins de larmes. Je ne crois point qu’il y ait une autre musique dans le ciel.

Il y avoit beaucoup de prélats ; j’ai dit à Guitaut : « Cherchons un peu notre ami Marseille ; » nous ne l’avons point vu. Je lui ai dit tout bas : « Si c’étoit l’oraison


    faire des conférences sur l’Écriture sainte, ce qui ne laissa pas de lui faire une grande réputation dans tous les lieux où il fut envoyé par ses supérieurs. Les oraisons funèbres du chancelier Seguier et du maréchal du Plessis Praslin sont les seuls ouvrages imprimés (Paris, 1672 et 1677) qui restent d’un si excellent homme. (Perrin, 1754.)

  1. 10. Perrin, dans l’édition de 1754, a remplacé les mots qui s’en va avec lui par qui l’emmène avec lui dans son diocèse.
  2. 11. Jean-Baptiste Lulli, né à Florence en 1633, et venu dès l’âge de treize ans à Paris, où il épousa en 1662 la fille unique de Lambert, et mourut en mars 1687. Il avait d’abord été à Mademoiselle (voyez ses Mémoires, t. III, p. 348), et était depuis 1661 surintendant de la musique du Roi ; il venait d’obtenir, au mois de mars précédent, par cession de Perrin et du marquis de Sourdeac, le privilège de l’Académie royale de Musique ; cette année même une nouvelle salle d’Opéra (l’ancienne était au jeu de paume de la rue Mazarine) fut construite par lui au jeu de paume du Bel-Air, à l’un des bouts de la rue de Vaugirard, non loin du Luxembourg, et inaugurée le 15 novembre ; l’année suivante, après la mort de Molière, il obtint le théâtre du Palais-Royal, où il s’établit définitivement.