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bat : enfin c’est une pitié que d’être si vive ; il faut tâcher de calmer et de posséder un peu son âme ; je n’en serai pas moins à vous, et j’en serai un peu plus à moi-même. Corbinelli me prioit fort d’entrer dans ce sentiment[1]. Il est vrai que son absence me donne une augmentation de chagrin : il m’aime fort, je l’aime aussi ; il m’est bon à tout ce que je veux ; mais il faut que je sois dénuée de tout pendant mon voyage de Bretagne ; j’ai tant de raisons pour y aller[2], que je ne puis pas y mettre la moindre incertitude.

Gardez-vous bien de faire raser le petit marquis[3] ; j’ai consulté les habiles : c’est le moyen d’ébranler son petit cerveau, de lui faire avoir des fluxions, des maux d’yeux, des petites dents noires ; enfin il n’est point assez fort ; faites couper ses cheveux fort courts aux ciseaux, voilà tout ce que vous pouvez faire présentement.

Mlle de Méri désapprouve fort le fiel de bœuf ; elle dit qu’avec l’air de Grignan, c’est pour vous mettre en poudre. Je suis fort de son avis. Il faudroit au contraire humecter et vous rafraîchir le teint, et mettre un masque quand vous allez à l’air. Nous ne laisserons pas de consulter Mme de la Fayette.

Le cuisinier de M. le cardinal de Retz ne le quitte point, ni son officier[4]. C’est une chose héroïque que les sentiments de ces gens-là ; ils préfèrent l’honneur de ne le point quitter aux meilleures conditions de la cour : on


    procureur de la noblesse : voyez les lettres de la fin de 1673, particulièrement celle du 24 décembre, et la note 7 de la p. 372.

  1. 11. Dans les éditions de 1726, on lit ressentiment au lieu de sentiment.
  2. 12. Voyez, sur une des affaires qui appelaient Mme de Sévigné en Bretagne (la vente d’une terre), les lettres des 17 novembre, 15 et 29 décembre suivants.
  3. 13. Le fils de Mme de Grignan.
  4. 14. Le domestique qui a soin de l’office.