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autant que je puis ; mais j’ai une si grande habitude à être foible, que, malgré vos bonnes leçons, je succombe souvent. Vous aurez vu comme ce jour douloureux du départ de Monsieur le Cardinal n’est pas encore arrivé : il le sera quand vous recevrez cette lettre. Il est vrai que cela seul mériteroit d’ouvrir une source ; mais comme elle est ouverte pour vous, il ne fera qu’y puiser. Ce sera, en effet, un jour très-douloureux ; car je suis attachée à sa personne, à son mérite, à sa conversation, dont je jouis tant que je puis, et à toutes les amitiés qu’il me témoigne. Il est vrai que son âme est d’un ordre si supérieur, qu’il ne falloit pas attendre une fin de lui toute commune, comme des autres hommes. Quand on a pour règle de faire toujours ce qu’il y a de plus grand et de plus héroïque, on place sa retraite en son temps, et l’on laisse pleurer ses amis.

Que vous êtes plaisante, mon enfant, avec votre gazette à la main ! Quoi ! sitôt, vous en faites vos délices ! je croyois que vous attendriez au moins que vous eussiez passé cette chienne de Durance. Le dialogue du Roi et de Monsieur le Prince me paroît plaisant : je crois qu’ici même vous l’auriez pris pour bon. Je reçois une lettre du chevalier, qui se porte bien. Il est à l’armée, et n’a eu que cinq accès de fièvre tierce : c’est une inquiétude de moins ; mais sa lettre toute pleine d’amitié est d’un vrai Allemand ; car il ne veut point du tout croire ce qu’on dit d’une retraite du cardinal de Retz : il me prie de lui dire la vérité ; je m’en vais la lui dire. Je ferai tous vos compliments ; je suis fort assurée qu’ils seront très-bien reçus : chacun se fait un honneur d’être dans votre souvenir : M. de Coulanges en étoit tout glorieux. Tous nos amis, nos amies, nos commensaux, me parlent de vous quand je les rencontre, et me prient de vous assurer de leur servitude. Le Coadjuteur vous contera les pros-