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fortune m’a servi à souhait. Cependant il me semble qu’elle fait durer trop longtemps le méchant état, et qu’elle sort de son caractère d’inconstance pour me persécuter[1]. J’ai bien fait de prendre les affaires au pis. Si je les avois prises à cœur, je serois mort à présent, et je suis dans une santé à survivre à de plus jeunes et à de plus heureux que moi. Ce n’est pas, comme vous dites, que l’exemple de Chésières ne fasse trembler les plus sains, mais il fait encore plus de peur aux infirmes. À tout hasard, Madame, portons-nous bien ; je vous réponds que nous irons loin : fiez-vous-en à ma parole. C’est déjà beaucoup pour vivre longtemps que de l’espérer fortement. Je ne sais pas si sur les choses qui se sont passées depuis un mois nous pensons de même, vous et moi ; mais je ne doute point que l’amour ne soit égal à ce qu’il étoit, et que toute la différence n’aille qu’à plus de mystère, ce qui le fera durer plus longtemps. Voilà tout ce que j’en puis juger d’aussi loin[2].

  1. 4. « Vous voyez, Madame, que la fortune m’a servi à souhait. Il est vrai qu’elle a poussé l’affaire un peu trop loin ; il semble qu’elle quitte son caractère d’inconstance sur mon sujet. » (Ibidem.) — La suite est omise dans ce manuscrit ; il ne reprend qu’à la lettre de Bussy à Mme de Grignan : « Avec tout cela, Madame, etc. »
  2. 5. Voyez la note 4 de la lettre précédente. — « Rulhières, dans ses Éclaircissements historiques sur la révocation de l’édit de Nantes, Ire partie, p. 137, pense, d’après les Souvenirs de Mme de Caylus, que ce fut à l’époque du jubilé de 1676 qu’une séparation eut lieu entre le Roi et Mme de Montespan. Mme de Caylus ne me semble pas d’une grande autorité sur cette date ; elle rapporte ce qu’elle a entendu raconter à Mme de Maintenon ; les faits sont restés dans sa mémoire ; mais écrivant longtemps après, elle peut se méprendre sur les époques. Je crois que l’on doit avoir plus de confiance dans les dates qui sont appuyées sur les correspondances du temps. Voici une série de lettres écrites en 1675, par Mme de Sévigné, Bussy et Mme de Scudéry, dont les dates et les faits coïncident parfaitement, et qui me semblent établir, à n’en pas douter, que la