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servir à votre mode. En vérité, Monsieur, vous feriez bien mieux d’épargner notre encre et notre papier, et de nous venir voir, puisque vous me faites le plaisir de m’assurer que mon séjour à Paris ne vous est pas indifférent. Venez donc profiter d’un bien qui vous sera enlevé à la première hirondelle. Si je vous écrivois ailleurs que dans une lettre de ma mère, je vous dirois que c’est même beaucoup retarder mes devoirs qui m’appellent en Provence ; mais elle trouveroit mauvais de n’être pas comptée au nombre de ceux qui doivent régler ma conduite. Elle en est présentement la maîtresse ; et j’ai le chagrin de n’éprouver son autorité qu’en des choses où ma complaisance et mon obéissance seront soupçonnées d’être d’intelligence avec elle. Je ne sais pas pourquoi je m’embarque à tout ce discours. Il ne me paroît pas que j’aie besoin d’apologie auprès de vous : c’est donc seulement par le seul plaisir de parler à quelqu’un[1] qui écoute avec plus d’attention, et qui répond plus juste que tout ce qui est ici. Je vous demande une petite amitié à Mademoiselle de Bussy[2].

de madame de sévigné à bussy.

Voilà ce qui s’appelle écrire de la bonne encre. Plût à Dieu que vous fussiez ici ! Nous causerions de mille choses, mais surtout des sentiments dont la Provençale vous parle[3], qu’il faut cacher à la plupart du monde, quelque véritables qu’ils soient, parce qu’ils ne sont pas vraisemblables.

  1. 11. « De causer avec quelqu’un. (Manuscrit de l’Institut.)
  2. 12. Cette dernière phrase manque dans le manuscrit de l’Institut, où la reprise de Mme de Sévigné commence ainsi : « Je reviens encore à vous, mon cousin, pour vous dire que je voudrois bien que vous fussiez ici. »
  3. 13. « Dont ma fille vous parle. » (Manuscrit de l’Institut.)