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1674


On a fait un bal ou deux à Paris dans tout le carnaval ; il y a eu quelques masques, mais peu. La tristesse est grande ; les assemblées de Saint-Germain sont des mortifications pour le Roi, et seulement pour marquer la cadence du carnaval.

Le P. Bourdaloue fit un sermon le jour de Notre-Dame[1], qui transporta tout le monde ; il étoit d’une force qu’il faisoit trembler les courtisans, et jamais un prédicateur évangélique n’a prêché si hautement et si généreusement les vérités chrétiennes : il étoit question de faire voir que toute puissance doit être soumise à la loi, à l’exemple de Notre-Seigneur, qui fut présenté au temple ; enfin, ma bonne, cela fut poussé au point de la plus haute perfection, et certains endroits furent poussés comme les auroit poussés l’apôtre saint Paul.

L’archevêque de Reims[2] revenoit hier fort vite de Saint-Germain, comme un tourbillon. S’il croit être grand seigneur, ses gens le croient encore plus que lui. Ils passoient au travers de Nanterre, tra, tra, tra ; ils rencontrent un homme à cheval, gare, gare ; ce pauvre homme se veut ranger, son cheval ne le veut pas ; enfin le carrosse et les six chevaux renversent cul par-dessus tête le pauvre homme et le cheval, et passent par-dessus, et si bien par-dessus que le carrosse en fut versé et renversé : en même temps l’homme et le cheval, au lieu de s’amuser à être roués et estropiés, se relèvent miraculeu-

  1. 6. La Gazette du 10 février nous apprend que le jour de la Purification de la Vierge (2 février) le P.. Bourdaloue prêcha devant Leurs Majestés et toute la cour, dans la chapelle du palais de Saint-Germain. Nous voyons par ce que Mme de Sévigné dit du sujet, que le sermon prêché en 1674 est le premier des trois relatifs à cette fête qui se trouvent dans la section des œuvres de Bourdaloue intitulée Mystères.
  2. 7. Le Tellier, frère de Louvois.