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monde, et celle que je sens le mieux dans mon cœur. Mlle de Méri ne vous écrit point ; on commence à négliger ce commerce dans l’espérance de mieux. Mon fils vous embrasse tendrement, et moi, les chers Grignans.


1674

378. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ, DE MADEMOISELLE DE MÉRI ET DE CORBINELLI À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, lundi 5e février.
de madame de sévigné.

Il y a aujourd’hui bien des années[1], ma chère bonne, qu’il vint au monde une créature destinée à vous aimer préférablement à toutes choses ; je prie votre imagination de n’aller ni à droite, ni à gauche :

Cet homme-là, Sire, c’étoit moi-même[2].

Il y eut hier trois ans que j’eus une des plus sensibles douleurs de ma vie : vous partîtes pour la Provence, et vous y êtes encore. Ma lettre seroit longue, si je voulois vous expliquer toute l’amertume que je sentis, et toutes celles que j’ai senties depuis en conséquence de cette première. Mais revenons : je n’ai point reçu de vos lettres aujourd’hui, je ne sais s’il m’en viendra ; je ne le crois pas, il est trop tard : cependant j’en attendois avec impatience ; je voulois vous voir partir d’Aix, et pouvoir supputer un peu juste votre retour ; tout le monde m’en as-

  1. Lettre 378. — 1. Il y en avait quarante-huit.
  2. 2. Tel est le texte des éditions de la Haye (1726) et de 1754 ; dans celle de Rouen (1726), on lit : « Cet honnête homme-là ; » et dans celle de 1734 : « Ce monsieur-là, » comme dans Marot. Ce vers se trouve déjà tome II, p. 411.