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si surpris de se voir chancelier encore par-dessus, qu’il crut qu’il y avoit quelque anguille sous roche ; et ne pouvant pas comprendre ce surcroît de dignité, il dit au Roi : « Sire, est-ce que vous m’ôtez les sceaux ? — Non, lui dit le Roi, dormez en repos, Monsieur le chancelier ; » et en effet, on dit qu’il dort quasi toujours. On philosophe pourquoi cette augmentation[1].

Monsieur le Prince est parti il y a deux jours, et M. de Turenne aujourd’hui. Écrivez un petit mot à Brancas, pour vous réjouir que sa fille soit chez la Reine[2] : il en a été fort aise. La Troche vous rend mille grâces de votre souvenir ; son fils a encore assez de nez pour en perdre la moitié au premier siége, sans qu’il y paroisse. On dit que la Rosée a commencé à se détraquer avec le Torrent[3] ; et qu’après le siége de Maestricht elles se lièrent d’une confidence réciproque, et voyoient tous les jours de leur vie le Feu et la Neige : vous savez que tout cela ne peut pas être longtemps ensemble sans faire de grands désordres, et sans qu’on s’en aperçoive.

La Grêle me paroît, dans votre réconciliation, comme un homme qui se confesse, et qui garde un gros péché sur sa conscience : peut-on appeler autrement le tour qu’il vous a fait ? Cependant les bonnes têtes disent : « Il faut parler, il faut demander, on a du temps, c’est assez. » Mais n’admirez-vous point le fagotage de mes lettres ? Je quitte un discours, on croit en être dehors, et tout d’un

  1. 16. « On philosophe et on demande pourquoi cette augmentation. » (Édition de 1754.)
  2. 17. La princesse d’Harcourt avait été nommée dame du palais.
  3. 18. La Rosée, le Torrent, le Feu, la Neige. Les deux premiers de ces chiffres ont certainement ici le même sens que dans les lettres du 18 décembre et du 8 janvier précédents ; c’est à tort qu’on a voulu leur en chercher un autre. Pour le Feu et la Neige, voyez p. 356, la note 11 de la seconde de ces lettres.