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dez sur cela à Corbinelli et à moi est admirable. Au reste, ma très-chère, je ne corromps personne. La Garde et d’Hacqueville sont incorruptibles. C’est la Garde qui m’avoit corrompue, pour vous parler de venir toute seule, tant il est persuadé qu’on a besoin de vous deux, ou de la moitié de vous deux, pour vos affaires ; ainsi ne me grondez point. Écoutez leurs raisons ; conduisez-vous selon vos lumières et ne me consultez point. Voilà tout ce que vous aurez de moi, avec une protestation que vous faites tort à la Garde de croire qu’il écoute aucune tendresse, quand il vous donne des conseils.

Mon âme vous remercie de la bonne opinion que vous avez d’elle, de croire qu’elle ait horreur des vilains procédés de l’Évêque ; vous ne vous êtes point trompée : ceux de l’Évêque m’épouvantent. Mais, ma bonne, vous me serrez le cœur, quand vous me faites souvenir de ces deux chambres remplies si différemment. La vôtre m’a donné un souvenir triste de tous ces noms. Je les souffrois avec vous, ma bonne, et vous me dites mille tendresses là-dessus ; mais quand je songe que vous y êtes sans moi, je n’en puis plus : je vous y vois sans cesse, et sans cesse je vois vos pensées ; jugez des miennes. Vous seriez surprise, ma bonne, si vous pouviez voir clairement à quel excès et de quelle manière vous m’êtes chère. Il ne faut point appuyer sur cet endroit[1].

M. de Grignan dit vrai : Mme de Thianges ne met plus de rouge et cache sa gorge ; vous auriez peine à la reconnaître avec ce déguisement ; mais il est vrai. Elle est souvent avec Mme de Longueville, et tout à fait dans le bel air de la dévotion ; mais elle est toujours de très-bonne

  1. 3. Ces mots, depuis : « Mais, ma bonne, vous me serrez le cœur, » ne se trouvent que dans l’édition de 1725. Dans celle de Rouen (1736) les mots de l’Évêque sont supprimés, ainsi que dans les deux éditions de Perrin, après vilains procédés.