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fait un grand mouvement partout. On ne sait où donner de la tête pour de l’argent. Il est certain que M. de Turenne est mal avec M. de Louvois[1], mais cela n’éclate point ; et tant qu’il sera bien avec M. Colbert, ce sera une affaire sourde.

J’ai vu après dîner des hommes du bel air, qui m’ont fort priée de faire leurs compliments à M. de Grignan, et à la femme à Grignan : c’est le grand maître et le Charmant[2] ; il y avoit encore Brancas, l’archevêque de Reims, Charost, la Trousse : tout cela vous envoie des millions de compliments. Ils n’ont parlé que de guerre. Le Charmant sait toutes nos pétoffes[3] ; il entre admirablement dans tous ces tracas. Il est gouverneur de province[4] ; c’est assez pour comprendre la manière dont on est piqué de ces sortes de choses. Adieu, ma très-aimable enfant, comptez sur moi comme sur la chose du monde qui vous est la plus sûrement acquise. J’embrasse M. de Grignan. Je sens tous vos plaisirs et toutes vos victoires comme vous-mêmes.

de charles de sévigné.

J’arrivai hier à midi, et je trouvai en arrivant qu’il falloit repartir incessamment pour aller à Charleroi : que dites-vous de cet agrément ? On peste, on enrage, et cependant on part. Tous les courtisans du bel air sont au désespoir. Ils avoient fait les plus beaux projets du monde, pour passer agréablement leur hiver, après vingt mois d’absence : tout est renversé. J’aimerois bien mieux

  1. 3. Voyez au tome I de l’Histoire de Louvois, la fin du chapitre vi. M. Rousset (p. 511) nomme Turenne le plus redoutable ennemi de Louvois.
  2. 4. Le comte du Lude et le marquis de Villeroi.
  3. 5. Voyez la note 7 de la lettre du 17 novembre précédent.
  4. 6. Du Lyonnais, du Forez et du Beaujolais.