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vous parler franchement, j’ai envoyé à M. de Pompone les deux premiers feuillets de votre lettre, et à d’Hacqueville, qui étoit chez lui, afin de les réjouir. Ne croyez donc pas que nous voyions si fort les choses autrement que vous : tout ce qui touche la gloire se voit assez également par tout pays. Ne soyez point fâchée contre nous ; louez nos bonnes intentions, et croyez que nous ne sommes que trop dans tous vos sentiments, et moi particulièrement, qui n’en ai point d’autres.

Vous me faites assez entendre ce qui vous peut manquer pour faire le voyage de Paris ; mais quand je songe que le Coadjuteur est prêt à partir, lui qui avoit engagé son abbaye pour deux ans, qui vouloit vivre de l’air, qui vouloit chasser tous ses gens et ses chevaux, et que je vois qu’on fait donc quelquefois de la magie noire, cela me fait croire que vous en devez faire comme les autres, cette année ou jamais. Voilà mon raisonnement : vous aurez un air bien victorieux sur toutes sortes de chapitres, et vous aurez bien effacé l’exclusion de votre ami[1] par la suite.

J’attends mon fils à tout moment. Je dînai hier avec Monsieur le Duc, M. de la Rochefoucauld, Mme de Thianges, Mme de la Fayette, Mme de Coulanges, l’abbé Têtu, M. de Marsillac et Guilleragues, chez Gourville. Vous y fûtes célébrée et souhaitée ; et puis

  1. 4. Sans doute, l’exclusion du marquis de Maillanes (voyez la lettre du 13 novembre précédent). Dans la lettre que nous venons de citer, l’évêque de Marseille raconte « qu’ayant eu l’honneur de parler à S. M. de la nomination qu’elle avoit faite à la prière de M. de Grignan d’un procureur joint de la noblesse et de Lui représenter qu’elle étoit contraire aux libertés de la province, le Roi eut la bonté de la vouloir laisser dans ses anciens usages. » M. de Grignan, à qui ce procédé avait donné du chagrin, essaya alors de mettre un de ses parents dans cette place, et y réussit, comme nous venons de le voir.