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demander votre congé. Je comprends les dépenses de ce siège d’Orange ; j’admire les inventions que le démon trouve pour vous faire jeter de l’argent ; j’en suis plus affligée qu’une autre ; car outre toutes les raisons de vos affaires, j’en ai une pour vous souhaiter cette année : c’est que le bon abbé veut rendre le compte de ma tutelle, et c’est une nécessité que ce soit aux enfants dont on a été tutrice. Mon fils viendra si vous venez : voyez, et jugez vous-même du plaisir que vous me ferez. Il y a de l’imprudence à retarder cette affaire ; le bon abbé peut mourir, et je ne saurois plus par où m’y prendre, et serois abandonnée pour tout le reste de ma vie à la chicane des Bretons. Je ne vous en dirai pas davantage : jugez de mon intérêt, et de l’extrême envie que j’ai de sortir d’une affaire aussi importante. Vous avez encore le temps de finir votre Assemblée ; mais ensuite je vous demande cette marque de votre amitié, afin que je meure en repos. Je laisse à votre bon cœur cette pensée à digérer.

Il n’y a plus de filles de la Reine depuis hier, on ne sait pourquoi[1]. On soupçonne qu’il y en a une qu’on

  1. 5. « Toutes les filles de la Reine furent chassées hier. » (Édition de 1754.) — Voltaire (Siècle de Louis XIV, fin du chapitre xxvi) laisse entendre que c’est à l’aventure de Mlle de Guerchi qu’il faut attribuer le renvoi des filles de la Reine ; mais Mlle de Guerchi était morte en 1660. Voltaire n’en donne pas moins les vrais motifs qui déterminèrent à substituer des dames du palais aux filles d’honneur. On voit par nos lettres mêmes (surtout par la suivante, du 1er décembre) que les contemporains soupçonnaient fort Mme de Montespan d’avoir demandé et obtenu le nouvel établissement. Il n’est pas non plus impossible que Mme de Sévigné ait voulu désigner ici Mme de Ludres comme l’objet de la jalousie de Quanto. D’après la Correspondance de Madame de Bavière (tome I, p. 457), Mme de Ludres n’avait point encore attiré l’attention du Roi : « Le Roi, dit-on, ne s’étoit pas soucié de cette beauté tant qu’elle fut chez la Reine ; il s’en éprit quand elle fut chez moi ; son règne n’a duré que deux ans. » Son règne finit en 1677 ; mais dès le 6 mai 1673, Mme de