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connoissez : il est dans une tristesse incroyable, et l’on comprend bien aisément ce qu’il a.

Je ne sais aucune nouvelle aujourd’hui. La musique de Saint-Germain est divine ; le chant des Minimes[1] n’est pas divin ; ma petite-enfant y étoit tantôt[2] ; elle a trouvé beaucoup de gens de sa connoissance : je crains de l’aimer un peu trop, mais je ne saurois tant mesurer toutes choses.

J’étois bien serviteur de Monsieur votre père : [3]

ne trouvez-vous point que j’ai des raisons de l’aimer à peu près de la même sorte ?

Je ne vous parle guère de Mme de la Troche : c’est que les flots de la mer ne sont pas plus agités que son procédé avec moi. Elle est contente et malcontente dix fois par semaine[4], et cette diversité compose un désagrément incroyable dans la société. Cette préférence du faubourg est un point à quoi il est difficile de remédier : on m’y aime autant qu’on y peut aimer ; la compagnie y est sûrement bonne ; je ne suis de contrebande à rien ; ce qu’on y est une fois, on l’est toujours ; de plus, notre cardinal m’y donne souvent des rendez-vous : que faire à tout cela ? En un mot, je renonce à plaire à Mme de la Troche,

  1. 5. Voyez tome II, p. 448, note 5.
  2. 6. Dans l’édition de 1754 : « Ma petite-enfant y étoit tantôt avec moi ; » et à la ligne suivante : « je l’aime un peu trop. »
  3. 7. M. Loyal dit à Orgon (ive scène du Ve acte de Tartuffe) :

    Toute votre maison m’a toujours été chère,
    Et j’étois serviteur de Monsieur votre père.

  4. 8. Mme de la Troche était jalouse de l’amitié que Mme de Sévigné avait pour Mme de la Fayette, dont la maison, et avec elle sans doute celle de la Rochefoucauld, est désignée ici par le faubourg. Voyez la Notice, p. 159, et tome II, p. 53. La Rochefoucauld demeurait à l’hôtel Liancourt. Voyez la note 3 de la lettre 272.