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Adieu, ma très-chère et très-aimable ; quand je pense au pays qui nous sépare, je perds la raison, et je n’ai plus de repos. Je blâme Adhémar d’avoir changé de nom[1] : c’est le petit dénaturé.


1672

265. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi saint, 15e avril.

Vous voyez ma vie ces jours-ci, ma chère fille. J’ai de plus la douleur de ne vous avoir point, et de ne pas partir tout à l’heure. L’envie que j’en ai me fait craindre que Dieu ne permette pas que j’aie jamais une si grande joie ; cependant je me prépare toujours. Mais n’est-ce pas une chose cruelle et barbare que de regarder la mort d’une personne qu’on aime beaucoup, comme le commencement d’un voyage qu’on souhaite avec une véritable passion ? Que dites-vous des arrangements des choses de ce monde ? Pour moi, je les admire ; il faut profiter de ceux qui nous déplaisent, pour en faire une pénitence. Celle que M. de Coulanges dit qu’on fait à Aix présentement me paroît bien folle : je ne saurois m’accoutumer à ce qu’il me conte là-dessus[2].

  1. 9. Après la mort du chevalier de Grignan, arrivée le 6 février précédent, M. d’Adhémar s’appela le chevalier de Grignan. Il reprit dans la suite le nom de comte d’Adhémar, lorsqu’à l’âge de cinquante-quatre ans il se maria, en 1704, avec (Thérèse d’Oraison) la fille puînée du marquis d’Oraison de la maison d’Aqua (dont il n’eut pas d’enfants). (Note de Perrin, 1754.) — Voyez ce que nous avons dit des variations du chevalier de Perrin sur le nom d’Adhémar, dans la note 1 de la lettre 214 (tome II, p. 397).
  2. Lettre 265. — 1. Les confréries de Pénitents faisoient à Aix des