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prendre de ses amis. Faites mes excuses à M. l’abbé[1] de ce que je l’ai reçu.


1673

330. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Montélimar, jeudi 5e octobre.

Voici un terrible jour[2], ma chère fille ; je vous avoue que je n’en puis plus. Je vous ai quittée dans un état qui augmente ma douleur. Je songe à tous les pas que vous faites et à tous ceux que je fais, et combien il s’en faut qu’en marchant toujours de cette sorte, nous puissions jamais nous rencontrer. Mon cœur est en repos quand il est auprès de vous : c’est son état naturel, et le seul qui peut lui plaire. Ce qui s’est passé ce matin me donne une douleur sensible, et me fait un déchirement dont votre philosophie sait les raisons : je les ai senties et les sentirai longtemps. J’ai le cœur et l’imagination tout remplis de vous ; je n’y puis penser sans pleurer, et j’y pense toujours : de sorte que l’état où je suis n’est pas une chose soutenable ; comme il est extrême, j’espère qu’il ne durera pas dans cette violence. Je vous cherche toujours, et je trouve que tout me manque, parce que vous me

  1. 6. L’abbé de Coulanges.
  2. Lettre 330. — 1. C’étoit le jour même de son départ de Grignan pour Paris, et de celui de Mme de Grignan pour Salon (voyez la note 7 de la lettre du 6 novembre 1673) et pour Aix. Montélimar n’est qu’à trois ou quatre lieues du château de Grignan. (Note de Perrin, 1754.) — Dans l’édition de 1754, la lettre est précédée de l’observation suivante : « Mme de Sévigné, qui étoit arrivée à Grignan vers les derniers jours de juillet 1672, fut obligée de s’en retourner à Paris vers les premiers jours d’octobre 1673 ; et c’est de ce temps-là que recommence son commerce de lettres avec Mme de Grignan. »