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je me retourne, je n’ai point de mal, mais je n’ai point de sommeil aussi ; j’appelle, je prends un livre, je le referme ; le jour vient, je me lève, je vais à la fenêtre : quatre heures sonnent, cinq heures, six heures ; je me recouche, je m’endors jusqu’à sept, je me lève à huit ; je me mets à table à douze inutilement, comme la veille ; je me remets dans mon lit le soir, inutilement comme l’autre nuit. — Êtes-vous malade ? — Nenni[1]. — Êtes-vous plus foible ? — Nenni. Je suis dans cet état trois jours et trois nuits ; je redors présentement ; mais je ne mange encore que par machine, comme les chevaux, en me frottant la bouche de vinaigre. Du reste, je me porte bien, et je n’ai pas même si mal à la tête.

Je viens d’écrire des folies à Monsieur le Duc. Si je puis, j’irai dimanche à Livry pour un jour ou deux. Je suis très-aise d’aimer Mme de Coulanges à cause de vous. Résolvez-vous, ma belle, de me voir soutenir toute ma vie, à la pointe de mon éloquence, que je vous aime plus encore que vous ne m’aimez : j’en ferois convenir Corbinelli en un demi-quart d’heure. Au reste, mandez-moi bien de ses nouvelles : tant de bonnes volontés seront-elles toujours inutiles à ce pauvre homme ? Pour moi, je crois que c’est son mérite qui leur porte malheur. Segrais[2] porte aussi guignon. Mme de Thianges est des amies de Corbinelli, Mme Scarron, mille personnes, et je ne lui vois plus aucune espérance de quoi que ce puisse être. On donne des pensions aux beaux esprits : c’est un fonds abandonné à cela ; il en mérite mieux que tous ceux qui en ont : point de nouvelles, on ne peut rien obtenir pour lui.

  1. Lettre 324. — 1. Dans l’édition de 1751 : nani, au lieu de nenni.
  2. 2. Segrais en sortant de chez Mademoiselle fut accueilli par Mme de la Fayette. Voyez tome II, p. 123, note 9.