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avec le temps, parce que c’est sur un homme qui a la même pension sur l’abbé de la Fayette[1] ; ainsi ils sont quittes présentement ; et quand ce premier mourra, la pension demeurera toujours sur son abbaye. Le Roi a même accompagné ce présent de tant de paroles agréables, qu’il y a lieu d’attendre de plus grandes grâces. Si je suis le premier à vous apprendre ceci, voilà déjà la lettre de M. de Coulanges à demi payée ; mais qui nous payera le temps que nous passons ici sans vous ? Cette perte est si grande pour moi, que vous seule pouvez m’en récompenser ; mais vous ne payez point ces sortes de dettes-là ; j’en ai bien perdu d’autres, et pour être ancien créancier, je n’en suis que plus exposé à de telles banqueroutes.

L’affaire de M. le chevalier de Lorraine et de M. de Rohan[2] est heureusement terminée ; le Roi a jugé de leurs intentions, et personne n’a eu dessein de s’offenser.

Monsieur le Duc est revenu, Monsieur le Prince arrive

  1. 2. Louis, fils aîné de Mme de la Fayette. Il eut les abbayes de la Grènetière, de Valmon, de Dalon, etc. : son grand-oncle paternel, l’évêque de Limoges, se démit de celle de Dalon en sa faveur. Voyez la lettre du 15 décembre 1675.
  2. 3. Sur le chevalier de Rohan, qui fut décapité l’année suivante, et dont il est ici question, voyez la lettre du 15 octobre 1674. « C’étoit l’homme de son temps le mieux fait, de la plus grande mine, et qui avoit les plus belles jambes… Au reste, c’étoit un composé de qualités contraires : il avoit quelquefois beaucoup d’esprit, et souvent peu ; sa bile échauffée lui fournissoit ce qu’on appelle de bons mots. Il étoit capable de hauteur, de fierté, et d’une action de courage ; il l’étoit aussi de foiblesse et de mauvais procédé, comme il le fit voir dans une affaire qu’il eut avec M. le chevalier de Lorraine, qui valoit mieux que lui ; car il osa avancer qu’un jour étant à cheval il l’avoit frappé de sa canne, chose dont il s’est dédit après beaucoup de menteries avérées. Ce même chevalier de Rohan avoit eu autrefois un procédé avec le Roi, encore jeune… qui lui avoit donné… du relief dans le public, et au Roi, malgré son orgueil et son amour-propre, une idée de ce chevalier, dont il auroit pu profiter, s’il