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1673


balancer. La foule des chevaliers qui vinrent hier voir M. de Grignan à son arrivée ; des noms connus, des Saint-Hérem, etc. ; des aventuriers, des épées, des chapeaux du bel air, des gens faits à peindre une idée de guerre, de roman, d’embarquement, d’aventures, de chaînes, de fers, d’esclaves, de servitude, de captivité : moi, qui aime les romans, tout cela me ravit et j’en suis transportée. Monsieur de Marseille vint hier au soir ; nous dînons chez lui ; c’est l’affaire des deux doigts de la main[1]. Dites-le à Volonne[2]. Il fait aujourd’hui un temps de diantre[3], j’en suis triste ; nous ne verrons ni mer, ni galères, ni port. Je demande pardon à Aix, mais Marseille est bien plus joli, et est plus peuplé que Paris à proportion : il y a cent mille âmes. De vous dire combien il y en a de belles, c’est ce que je n’ai pas le loisir de compter. L’air en gros y est un peu scélérat, et parmi tout cela je voudrois être avec vous. Je n’aime aucun lieu sans vous, et moins la Provence qu’un autre : c’est un vol que je regretterai. Remerciez Dieu d’avoir[4] plus de courage que moi, mais ne vous moquez pas de mes foiblesses ni de mes chaînes.


  1. 4. Dans le manuscrit : « C’est l’affaire de deux doigts de la main. »
  2. 5. Y aurait-il quelque allusion à sa réputation d’empoisonneur ? Voyez la lettre du 1er décembre 1673.
  3. 6. C’est le texte du manuscrit. Dans l’édition de la Haye (1726) : « un temps du diable ; » dans celles de Perrin : « un temps abominable. »
  4. 7. « Priez Dieu pour avoir. » (Édition de la Haye, 1726.)